Vivre une agression sexuelle est une expérience profondément traumatisante, et il arrive que de nombreuses victimes gardent le silence pendant de longues années.
Heureusement, au Québec, les victimes d'agressions sexuelles ont la possibilité de porter plainte auprès des autorités policières et d'entamer des poursuites civiles, même plusieurs années après les évènements.
Ces recours juridiques offrent la possibilité aux victimes de rechercher la justice et d'obtenir réparation pour les préjudices physiques et psychologiques subis. D’ailleurs, elle permet de tenir les agresseurs responsables de leurs actes, indépendamment du temps écoulé depuis l'agression.
Dans cet article, JuriGo vous explique ce qu'est une agression sexuelle selon la loi, ainsi que les recours civils et criminels offerts aux victimes.
Qu’est-ce qu’une agression sexuelle selon la loi?
Selon le Code criminel, une agression sexuelle est un acte criminel impliquant l'utilisation de la force sans le consentement de la victime et ayant une dimension sexuelle. Cette infraction porte préjudice à l'intégrité de la victime et se différencie des agressions physiques. L'aspect « sexuel » couvre les organes reproducteurs, les relations intimes, et tout acte à connotation sexuelle.
L'acte commis a porté atteinte à l'intégrité physique de la victime!
En effet, une agression est qualifiée de sexuelle lorsqu'elle implique un acte de nature sexuelle qui nuit à l'intégrité physique de la victime, que ce soit par le toucher non consenti des parties intimes ou la poursuite d'une activité sexuelle malgré le retrait du consentement.
Par exemple, saisir les fesses de quelqu'un sans son accord ou ne pas arrêter une relation sexuelle lorsque la personne indique qu'elle ne souhaite plus poursuivre relève également de l'agression sexuelle.
Éléments essentiels de l’infraction d’agression sexuelle:
Afin de déclarer une personne coupable d'agression sexuelle, il est nécessaire de prouver les éléments essentiels de l’infraction. Ces éléments incluent l'usage de la force sans le consentement de la victime et la nature objectivement sexuelle de l'acte. L'intention de l'accusé ne vise pas nécessairement à commettre un acte de nature sexuelle, mais à imposer une force non consentie.
D’ailleurs, la culpabilité de l’accusé est évaluée de manière objective en se demandant si une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait perçu l'acte comme étant sexuel. Plusieurs facteurs sont pris en compte, tels que les parties du corps touchées, le caractère intrusif du contact, le contexte de l'acte, les paroles prononcées et toutes autres circonstances pertinentes.
Il est crucial de noter que le consentement de la victime est au cœur de cette infraction. Le consentement doit être donné de manière claire et volontaire. Le consentement tacite n'est pas reconnu pour les actes sexuels, et si la victime retire son consentement à tout moment, l'accusé doit immédiatement cesser l'acte.
Le consentement peut être vicié!
En effet, le Code criminel prévoit des situations où le consentement est considéré comme vicié, notamment lorsque la victime est contrainte, abusée ou menacée. De plus, l'intoxication due à l'alcool peut également invalider le consentement si la personne devient inconsciente ou incapable de donner un consentement valable.
Accusation criminelle pour agression sexuelle
Lorsqu'une personne est victime d'agression sexuelle, elle a la possibilité de signaler l'incident à la police. Par la suite, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) examine le dossier et détermine s'il convient de déposer une accusation pour agression sexuelle.
Il est essentiel de comprendre que dans une affaire criminelle, la victime agit en tant que témoin, ce qui constitue une différence majeure par rapport à une poursuite civile, où elle est la partie demanderesse et peut réclamer des dommages-intérêts pour compenser son préjudice résultant de l’agression sexuelle. |
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En portant plainte à la police, la personne victime ne cherche pas à obtenir une compensation monétaire, mais plutôt à rechercher la justice. L'agresseur s'expose à la possibilité d'une condamnation à une peine de prison, assortie de l'enregistrement de son casier judiciaire. De plus, il pourrait être inscrit sur le registre des délinquants sexuels.
Le fardeau de preuveen matière criminelle:
En matière criminelle, la responsabilité de prouver la culpabilité de l'accusé repose sur le procureur aux poursuites criminelles et pénales, et cette charge exige de démontrer la culpabilité de l'accusé « hors de tout doute raisonnable ». La présomption d'innocence présume que l'accusé est considéré comme innocent jusqu'à ce qu'un tribunal le déclare coupable ou que l'accusé avoue sa culpabilité.
Par conséquent, il n'incombe pas à l'accusé de prouver son innocence. Il est important de noter qu'un verdict de non-culpabilité ne sous-entend pas nécessairement que l'agression sexuelle n'a pas eu lieu ou que la victime a menti. Cette situation peut découler de l'existence d'un doute raisonnable concernant la culpabilité de l'accusé, même si la crédibilité de la victime est établie.
En effet, un tribunal peut reconnaître qu'il est probable que l'agression sexuelle ait eu lieu, mais il doit acquitter l'accusé en présence d'un doute raisonnable subsistant.
Délai de prescription en matière criminelle:
En droit criminel, il n'y a pas de limite de temps pour déposer une plainte. Toute personne ayant connaissance d'une agression sexuelle, même si elle n'est pas la victime directe, peut porter plainte, même des décennies après les faits.
Par la suite, un procureur du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) évaluera s'il est approprié de déposer des accusations à la suite de l'enquête policière. Cela signifie que des accusations d'agression sexuelle peuvent être portées des années après les événements, pourvu que des preuves disponibles et pertinentes étayent les accusations.
Poursuite civile pour agression sexuelle
Une poursuite civile pour agression sexuelle permet à une victime d'obtenir une indemnisation pour les dommages qu'elle a subis en raison d'un acte à caractère sexuel non désiré. Contrairement aux poursuites criminelles, où l'État est responsable de porter des accusations contre l'agresseur, le recours civil est une démarche entreprise par la victime elle-même pour obtenir réparation.
Il est essentiel de souligner que même si une personne victime d'agression sexuelle ne porte pas plainte au criminel ou si l'agresseur est acquitté au criminel, cela n'affecte en rien la possibilité de poursuivre au civil son agresseur afin d'obtenir une indemnisation pour les dommages qu'elle a subis. Le droit pénal et le droit civil sont distincts et indépendants l'un de l'autre. |
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Responsabilité civile extracontractuelle:
Lorsqu'une personne est victime d'une agression sexuelle, elle a la possibilité d'engager un recours civil contre l'agresseur. Ce recours se fonde sur la responsabilité civile extracontractuelle, telle que définie à l’article 1457 du Code civil du Québec:
« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde. » |
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Toute personne a l'obligation de respecter les règles de conduite appropriées en fonction des circonstances, des normes sociales et des lois en vigueur. Si une personne ne respecte pas ce devoir en commettant une agression sexuelle, elle est tenue de réparer le préjudice infligé à la victime, que ce préjudice soit de nature corporelle, morale ou matérielle.
Fardeau de preuve en droit civil:
Le fardeau de preuve en droit civil pour une poursuite en responsabilité civile extracontractuelle liée à une agression sexuelle repose sur trois éléments clés :
- La faute
Lorsqu'il s'agit d'une agression sexuelle, la faute découle de l'acte d'agression sexuelle lui-même. Pour faire valoir sa cause en tant que demanderesse, la victime doit prouver l'agression sexuelle subie de la part du défendeur.
Pour prouver l'agression sexuelle, la victime peut présenter divers types de preuves, notamment son propre témoignage, des photos, des vidéos, des messages textes, etc.
- Le préjudice
Ensuite, la victime d'une agression sexuelle doit établir son préjudice, qui peut revêtir diverses formes. Effectivement, une agression sexuelle peut causer un préjudice corporel, pouvant englober des blessures physiques découlant de l'agression, telles que des contusions ou des lacérations.
D’ailleurs, la victime d'une agression sexuelle peut subir des préjudices moraux liés à l'agression, qui incluent également des souffrances psychologiques. Ces préjudices moraux peuvent se manifester sous forme de troubles de stress post-traumatique, d'anxiété, de dépression, ainsi que de difficultés dans les relations interpersonnelles et sociales.
- Le lien de causalité
La victime doit établir que l'agression sexuelle est la cause directe des préjudices subis. En d'autres termes, les préjudices physiques et moraux doivent découler directement de l'acte d'agression. Si d'autres facteurs contribuent aux préjudices, ils doivent également être pris en compte.
Par exemple, si la victime avait déjà des antécédents de troubles mentaux, il faudrait démontrer que l'agression a aggravé ces troubles.
**Prépondérance des probabilités:**Il est important de noter qu'en droit civil, le fardeau de la preuve, celui de la prépondérance des probabilités, est moins lourd que celui en droit criminel. La victime doit démontrer que les faits allégués concernant les trois éléments mentionnés précédemment (faute, préjudice et lien de causalité) sont plus probables que non, ce qui équivaut à une probabilité de plus de 50%. |
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Délai de prescription en matière civile pour agression sexuelle:
Depuis le 12 juin 2020, l'article 2926.1 du Code civil de Québec rend les poursuites civiles résultant d'une agression sexuelle imprescriptibles. Cela signifie que les victimes d'agression sexuelle peuvent intenter des poursuites civiles, quel que soit le laps de temps écoulé depuis les faits.
Cette modification légale garantit que les victimes d'agression sexuelle peuvent intenter des poursuites civiles à tout moment, sans se soucier du délai écoulé depuis les faits. Elle vise à empêcher les agresseurs d'échapper à leur responsabilité civile en se prévalant de la prescription.
Indemnisation des victimes :
En cas de succès dans un recours civil pour agression sexuelle, les victimes peuvent obtenir diverses indemnités pour les préjudices subis. Ces indemnités comprennent notamment :
Dommages | Explications |
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Dommages moraux | Les dommages moraux visent à compenser la souffrance émotionnelle et psychologique subie par la victime en raison de l'agression sexuelle tels que:Troubles de stress post-traumatique Dépression Anxiété Problèmes de sommeil chroniques |
Dommages physiques | Ces dommages visent à indemniser la victime pour les atteintes corporelles qu'elle a subies à la suite de l'agression sexuelle tels que:Contusions et ecchymosesLacérations Infections transmissibles sexuellement |
Dommages punitifs | En cas d'atteinte illicite et intentionnelle à un droit protégé, des dommages punitifs peuvent être accordés. Ils sont destinés à punir l'agresseur pour son comportement répréhensible. |
Dommages matériels | La victime peut être indemnisée pour des pertes financières directement liées à l'agression sexuelle. Par exemple, cela peut inclure les frais médicaux engagés pour les soins et traitements nécessaires, ainsi que la perte de revenus due à une absence au travail résultant de l'agression sexuelle. |
Exemples jurisprudentiels de montants accordés pour préjudices résultant d’agression sexuelle:
Les montants accordés dans des décisions judiciaires pour préjudice subi suite à des agressions sexuelles peuvent varier considérablement en fonction des circonstances de chaque affaire et des éléments de preuve présentés. Voici quatre décisions de tribunaux québécois accordant des montants d'argent en réparation des préjudices résultant d'agressions sexuelles :
- Dans l'affaire A. c. B., une décision rendue en 2022 par la Cour supérieure, la victime a été victime d'agressions sexuelles de la part de son grand-père pendant une période de deux ans, commençant à l'âge de 15 ans.
La victime avait souffert de graves troubles psychologiques, se manifestant notamment par des comportements d'automutilation, et elle avait été contrainte de suivre une médication lourde pour gérer l'anxiété, la dépression, des problèmes de concentration et l'insomnie. Le tribunal a condamné le défendeur à payer à la victime:
- 150 000 $pour dommages moraux
- 15 000 $ pour dommages physiques
- 75 000 $ pour dommages exemplaires
- Dans la décision N.C. c. F.T. rendue par la Cour supérieure en 2018, la demanderesse réclame au défendeur, son ex-époux, une somme totale de 170 000 $, comprenant 25 000 $ à titre de dommages punitifs, en raison d'abus physiques et sexuels qu'elle allègue avoir subis de sa part de 2004 à 2013.
D’ailleurs, la demanderesse soutient que le défendeur a instauré un climat de terreur et de menaces au sein de la famille, l'empêchant ainsi de quitter les lieux avec leurs trois enfants. Le défendeur nie catégoriquement ces allégations, affirmant que les relations sexuelles étaient consensuelles et niant toute agression physique.
À la suite de l'examen de l'affaire, le tribunal a condamné le défendeur à payer à la demanderesse:
- 65 000 $pour préjudices psychologiques et physiques
- 25 000 $ à titre de dommages punitifs
- Dans l'affaire N.B. c. G.A, une décision rendue par la Cour supérieure en 2021, la victime a été victime d'agressions sexuelles répétées de la part de son oncle alors qu'elle était âgée de 9 à 16 ans. Les actes reprochés se déroulent entre 1980 et 1987 et ont laissé des séquelles profondes chez la victime, la conduisant même à faire une tentative de suicide.
La victime a intenté une action en justice non seulement contre son oncle, mais aussi contre ses propres parents
En effet, si les parents d'une victime d'agression sexuelle ont failli à leur devoir de protection et de surveillance envers leur enfant, ils peuvent être tenus responsables en justice. Cela signifie qu'ils peuvent être contraints de payer des dommages-intérêts à la victime pour les préjudices qu'elle a subis en raison de leur négligence. |
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Le tribunal a condamné l’oncle et les parents à payer à la demanderesse:
- 806 306,18 $ pour tous les dommages subis
- 55 000 $ à titre de dommages punitifs
Il est important de noter que cette décision a fait l'objet d'un appel en 2023. La Cour d'appel a confirmé le jugement de la Cour supérieure et a rejeté l'appel, maintenant ainsi les montants accordés à la victime pour les préjudices subis.
- Dans l'affaire Bolduc c. Leclerc, les faits remontent à 1971 lorsque la demanderesse, âgée de seulement 10 ans à l'époque, a été victime d'une première agression sexuelle de la part de son oncle. Ces abus ont perduré au fil des années et ont culminé avec un viol alors qu'elle avait environ 17 ans.
En 2022, la Cour supérieure a condamné le défendeur à payer à la demanderesse:
- 75 000 $pour dommages moraux
- 25 000 $ pour dommages exemplaires
- 6 922,63 $ pour les frais judiciaires et les honoraires d’experts
Il est important de noter que les montants accordés dans ces quatre affaires sont basés sur les circonstances spécifiques de chaque cas, y compris la gravité de l'agression, les séquelles subies par la victime, et d'autres facteurs pertinents. Les décisions judiciaires sont prises au cas par cas pour refléter équitablement les préjudices subis par les victimes d'agressions sexuelles.
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Si vous avez été victime d'une agression sexuelle, que cela se soit produit récemment ou il y a plusieurs décennies, et que vous avez subi des préjudices découlant de cet événement traumatisant, il est vivement conseillé de consulter un avocat spécialisé en responsabilité civile.
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