Le projet de loi 106, récemment présenté par le gouvernement du Québec, vise à améliorer l’accès aux soins de première ligne et à faire en sorte que chaque citoyen puisse avoir un médecin de famille.
En révisant le mode de rémunération des médecins et en introduisant des objectifs de performance, le gouvernement souhaite, avec ce projet de loi, accroître la responsabilité collective du corps médical au Québec!
Toutefois, bien que cette réforme n’ait pas encore de date d’entrée en vigueur, elle suscite une vive opposition au sein de la communauté médicale.
| JuriGo vous explique en quoi consiste ce projet de loi ainsi que les raisons de l’opposition des médecins! |
|---|
Qu’est-ce que le Projet de loi 106?
Le projet de loi no 106, déposé par le ministre de la Santé, constitue une étape majeure dans la réforme du système de santé québécois. Il vise à garantir que chaque citoyen ait accès à un médecin de famille et à instaurer une responsabilité collective des médecins dans la prise en charge de la population.
Les objectifs principaux sont :
- Assurer une prise en charge universelle pour tous.
- Améliorer l’efficacité des soins de première ligne.
- Favoriser le travail d’équipe interprofessionnel.
- Réduire les délais pour consultations et chirurgies.
- Renforcer la reddition de comptes entre médecins et patients.
Le projet prévoit également de revoir le mode de rémunération des médecins et d’introduire des mécanismes d’imputabilité collective.
Si ce projet de loi est adopté, les lois suivantes devront être modifiées :
- Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et spécialisée
- Loi sur l’assurance maladie
- Loi sur la gouvernance du système de santé et des services sociaux
- Loi sur la justice administrative
- Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux
- Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec
Voici les changements proposés par ce projet de loi, importants à connaître :
Responsabilité collective des médecins
Actuellement, chaque médecin omnipraticien est individuellement responsable de ses patients.
Cette approche entraîne des inégalités d’accès aux soins, puisque plus d’un million et demi de Québécois, dont environ 200 000 personnes vulnérables, n’ont pas de médecin de famille. La charge de travail est souvent concentrée sur certains médecins, tandis que d’autres patients n’ont pas accès à un suivi régulier.
- Alors, le projet de loi 106 propose d’instaurer une responsabilité collective.
Chaque personne assurée devra être affiliée à un milieu de pratique, comme une clinique ou un groupe de médecine familiale, où au moins un médecin ou un professionnel de la santé, comme une infirmière praticienne spécialisée (IPS), fournirait des services couverts par la Régie de l’assurance maladie du Québec.
Avec cette réforme, les médecins partageraient la responsabilité de la prise en charge de tous les patients affiliés à ce milieu, plutôt que de rester seuls responsables individuellement.
L’objectif est de créer un système plus juste et efficace, où chaque personne d’un territoire peut recevoir les soins nécessaires de façon régulière.
Rôle des DTMF dans l’affiliation et la planification des soins:
De plus,les départements territoriaux de médecine familiale (DTMF) seront responsables d'affilier chaque personne assurée à un milieu clinique de proximité selon son lieu de résidence, son indice de vulnérabilité et les capacités locales.
Ils devront également élaborer des plans de couverture territoriaux et contribuer à la planification des effectifs médicaux.
Q&A sur la responsabilité collective des médecins dans le cadre de la réforme:
| Question | Réponse |
|---|---|
| Les médecins devront-ils prendre plus de patients? | Non, aucune obligation chiffrée n'est imposée. Le projet de loi 106 ne fixe pas de nombre minimal de patients à suivre par médecin ou par milieu de pratique.Les départements territoriaux de médecine familiale doivent s'assurer de la capacité réelle du milieu avant d'y affilier davantage de patients. |
| Est-ce que le projet de loi 106 me fera perdre mon médecin? | Non, le projet de loi 106 ne vous fera pas perdre votre médecin de famille. Les personnes qui ont déjà un médecin de famille le garderont. Le projet vise à élargir l'accès aux soins pour que chaque personne soit suivie par un médecin ou un autre professionnel de la santé, comme une infirmière praticienne spécialisée. |
| Les patients vulnérables auront-ils un accès prioritaire à un médecin? | Non, la vulnérabilité d'un patient n'influence pas son accès à un médecin. Le niveau de vulnérabilité des patients sert uniquement à ajuster la rémunération des médecins selon la complexité des cas et la lourdeur de la prise en charge. L'accès dépend du besoin clinique réel et de l'urgence des soins, pas du statut de vulnérabilité. |
Un nouveau modèle de rémunération
Le projet de loi 106 propose une refonte majeure du mode de rémunération des médecins, visant à remplacer le système actuel basé principalement sur le paiement à l’acte. Ce dernier, avec ses près de 5 000 codes différents, favorise souvent le volume de consultations au détriment de la qualité et de la continuité des soins.
Le projet souhaite instaurer un modèle de rémunération composée, qui comprend trois volets:
La capitation:
Elle prévoit le versement d'un montant fixe au milieu clinique pour chaque patient inscrit, peu importe le nombre de consultations.
Ce mode de rémunération, ajusté selon un indice de vulnérabilité établi par la RAMQ et révisé annuellement, favorise un suivi personnalisé et assure un revenu stable et prévisible.
La capitation devrait représenter la plus grande proportion de la rémunération du médecin. Ce montant est versé au milieu clinique, qui décide ensuite de sa répartition entre les professionnels.
La rémunération à l’acte:
Un montant supplémentaire sera accordé pour certains services spécifiques définis par règlement. Les activités importantes sont valorisées par la complexité de l’acte plutôt que par le volume.
Le tarif horaire:
Un montant à l’heure sera accordé pour le temps consacré aux tâches indirectes, comme l’enseignement, la recherche ou la gestion administrative, qui sont absolument essentiels à la pratique médicale.
Ce nouveau modèle vise également à promouvoir le travail d’équipe et la collaboration interprofessionnelle.
Grâce à l’implication d’infirmières, de pharmaciens et d’autres professionnels de la santé, les médecins peuvent concentrer leur temps sur les cas complexes nécessitant leur expertise, tandis que les problèmes mineurs ou urgents sont pris en charge par le professionnel approprié.
Le projet de loi stipule qu'une portion de la rémunération dépendra de l'atteinte d'objectifs visant à améliorer l'accès aux soins et leur qualité!
En effet, en plus du modèle de rémunération composé de trois volets, le projet de loi prévoit l’ajout d’un supplément collectif pouvant atteindre une bonification maximale de 25% de la rémunération, réparti comme suit:
- 10% versés automatiquement au milieu clinique, sans condition liée à l'atteinte d'objectifs
- 15% supplémentaires versées conditionnellement à l'atteinte d'objectifs collectifs fixés par règlement, comme la réduction des délais d'attente ou l'amélioration du suivi des patients
Cette bonification serait versée au milieu clinique, qu'il soit local, territorial ou régional, qui déciderait ensuite de sa répartition entre les professionnels selon des modalités qu'ils auront eux-mêmes établies.
Les objectifs peuvent être de différents niveaux: nationaux, territoriaux ou locaux. Une collectivité médicale qui atteint tous ses objectifs reçoit donc la bonification maximale totale de 25%, tandis qu'une collectivité qui n'atteint pas ses objectifs reçoit quand même la portion automatique de 10%.
- L'objectif n'est pas d'augmenter la charge de travail, mais de favoriser la collaboration et une organisation plus efficace des soins pour mieux répondre aux besoins de la population.
Comment le gouvernement va-t-il supporter ces changements?
Pour soutenir ces changements, le gouvernement a investi dans des ressources supplémentaires, telles que 400 millions de dollars annuels pour les groupes de médecine de famille.
De plus, d’autres mesures ont été mises en place, telles que:
- Le Dossier de santé numérique (DSN) : une plateforme centralisée pour améliorer la communication entre les professionnels et accélérer la coordination des soins.
- Le filtre de pertinence : un mécanisme qui oriente les patients vers le bon professionnel (infirmière, pharmacien, physiothérapeute, etc.) selon leurs besoins réels. Ce filtre aurait déjà permis de libérer environ 13 % des rendez-vous chez les médecins de famille.
- L’utilisation de l’intelligence artificielle : utilisée pour réduire la charge administrative et simplifier la gestion des dossiers.
Ces mesures permettent de réduire la charge administrative, de libérer du temps pour les soins et d’assurer une meilleure continuité médicale.
Bref, le projet de loi 106 propose une rémunération plus équilibrée et prévisible, valorisant le suivi complet des patients, la collaboration interprofessionnelle et la qualité des soins. Il transforme le rôle des médecins, qui passent d’une logique de volume à une approche centrée sur les besoins réels de la population.
Un pouvoir réglementaire accru pour le ministre de la Santé
De plus, le projet de loi accorderait également au ministre un nouveau pouvoir réglementaire pour fixer certains paramètres essentiels, comme :
- Les modes de rémunération des professionnels de la santé.
- Les modalités de prise en charge des personnes assurées.
- Les critères liés au niveau de vulnérabilité des patients.
Ce pouvoir permettra au gouvernement d’adapter rapidement les règles sans devoir renégocier de nouvelles ententes à chaque changement. Néanmoins, certains tarifs médicaux continueront d’être négociés avec les fédérations médicales (FMOQ et FMSQ).
Critiques et raisons d'opposition des médecins face au projet de loi 106!
Le projet de loi 106, qui vise à améliorer l’accès aux médecins de famille au Québec, suscite une forte opposition, tant chez les professionnels de la santé que chez plusieurs experts du système.
Bien que ses objectifs soient louables, cette réforme soulève d’importantes inquiétudes et pourrait accentuer certains des problèmes qu’elle cherche à corriger.
Voici les oppositions importantes à connaître concernant ce projet de loi:
Des défaillances structurelles inquiétantes
La principale faiblesse du projet de loi 106 réside dans l’absence de mécanismes concrets pour assurer sa mise en œuvre. Comme plusieurs réformes passées, il risque de rester théorique sans moyens concrets pour en assurer le succès.
En effet, malgré ses ambitions, le projet propose des transformations majeures sans préciser clairement comment elles seront exécutées sur le terrain.
Des risques graves d'exclusion et d'iniquité
Deuxièmement, le projet de loi 106 pourrait entraîner l’exclusion des populations non assurées, soulevant un sérieux enjeu d’équité.
En se centrant sur les personnes couvertes par la RAMQ, le processus d’affiliation risque de laisser de côté des groupes déjà fragiles, comme les réfugiés, les nouveaux arrivants ou les personnes sans suivi médical régulier. Cela pourrait accentuer les inégalités d’accès aux soins plutôt que les corriger.
Problèmes liés au financement et aux objectifs
Le projet de loi 106 comporte plusieurs faiblesses dans ses mécanismes de financement ainsi que dans l’établissement de ses objectifs.
Indices de vulnérabilité insuffisamment flexibles:
D’abord, les indices de vulnérabilité servant à ajuster les budgets des cliniques manquent de souplesse. Bien qu’une révision annuelle soit prévue, cette fréquence pourrait s’avérer insuffisante pour refléter l’évolution rapide des besoins des patients.
Sans ajustement plus régulier ou rétroactif, certains milieux risquent d’être sous-financés alors que d’autres recevront plus que nécessaire.
Un manque de participation dans la définition des objectifs:
Enfin, l’absence de consultation des acteurs concernés constitue un point faible majeur. Si les médecins et autres professionnels de la santé ne participent pas à la définition des objectifs, leur engagement envers la réforme risque de rester limité.
Pour qu’une réforme soit efficace et durable, les objectifs doivent être compris et acceptés par ceux qui les appliquent au quotidien. Le fait que certains objectifs puissent être imposés par règlement, sans discussion préalable, est perçu comme une intrusion dans la pratique clinique et remet en question l’autonomie professionnelle.
Défis de gouvernance et d'autonomie locale
Les rôles entre Santé Québec et les départements territoriaux de médecine familiale (DTMF) restent flous. Le projet de loi confère aux DTMF de nouvelles responsabilités sans préciser comment elles s’articuleront avec Santé Québec, ce qui pourrait provoquer des conflits de compétences et déséquilibrer l’encadrement et l’autonomie locale.
Responsabilités accrues des DTMF et ressources potentiellement insuffisantes
Les DTMF devront gérer l’affiliation de toute la population de leur territoire, élaborer des plans de couverture territoriale et planifier les effectifs médicaux.
Cependant, le projet ne garantit pas que ces départements disposeront des ressources, outils et leviers nécessaires pour assumer efficacement ces responsabilités, ce qui pourrait limiter leur capacité à atteindre les objectifs fixés.
Rigidité des mécanismes d’affiliation:
Par ailleurs, les mécanismes d’affiliation envisagés sont potentiellement rigides. Sans flexibilité suffisante pour tenir compte des réalités locales et des besoins individuels des patients, ces mécanismes risquent de créer des frustrations pour les professionnels et d’entraver l’efficacité du système.
Une rigidité excessive pourrait également limiter la capacité des DTMF à adapter les services aux populations vulnérables ou à des situations particulières, compromettant la continuité et la qualité des soins.
Une rémunération pouvant être injuste
Les médecins critiquent l’introduction d’une rémunération liée à l’atteinte d’objectifs. Selon eux, ces objectifs pourraient ne pas refléter la réalité du terrain. Des facteurs tels que le manque de personnel, les délais pour les tests diagnostiques ou la situation géographique échappent à leur contrôle.
Craignant d’être pénalisés pour ces éléments externes, plusieurs estiment que cette logique pourrait dénaturer la médecine en incitant à privilégier le nombre de patients vus plutôt que la qualité des soins.
Un risque d'exacerbation de la pénurie
Plusieurs acteurs redoutent que le projet accentue la pénurie de médecins. En rendant la pratique plus rigide et contrôlée, il pourrait pousser certains professionnels de la santé à partir à la retraite plus tôt ou à s'installer ailleurs.
Les jeunes médecins pourraient hésiter à s'engager dans un système perçu comme contraignant, aggravant le manque de médecins, particulièrement dans les régions déjà fragilisées.
Le mouvement de grève des médecins enseignants dans les facultés de médecine, organisé pour s’opposer au projet de loi, met également en lumière les inquiétudes concernant la formation des futurs médecins et l’avenir de la profession.
| Il est important de rappeler que pour l'instant, le projet de loi n'est pas encore en vigueur. Il reste donc à voir comment le gouvernement modulera cette réforme pour l'adapter aux besoins réels de la population québécoise, aux réalités du terrain médical et aux capacités des ressources disponibles. Un véritable partenariat entre le gouvernement, les professionnels de la santé et les citoyens sera essentiel pour transformer ces critiques en opportunités d'amélioration et assurer le succès d'une réforme qui pourrait véritablement transformer l'accès aux soins de santé au Québec! |
|---|
JuriGo est la solution pour trouver rapidement un avocat spécialisé!
JuriGo propose une approche novatrice pour mettre en relation les clients avec des avocats spécialisés!
Grâce à notre plateforme, il est facile et rapide pour toute personne de trouver un avocat qualifié dans le domaine recherché, sans aucune obligation. Il suffit de quelques minutes pour remplir un court formulaire, et JuriGo vous mettra en contact, sans frais, avec un avocat de votre région.
Du côté des avocats, JuriGo leur offre une meilleure visibilité et la chance d’attirer de nouveaux clients.
En adhérant à JuriGo, vous profitez d’un accès direct à de nouveaux clients, ce qui favorise l’expansion de votre réseau professionnel et simplifie le développement de votre pratique juridique!
